Préparation d’une visite
J’ai décidé d’emmener ma classe de CP visiter l’exposition « Allées sans retour » au musée archéologique de Guiry-en-Vexin (95). Je voulais profiter d’un car disponible et le musée très pédagogique est très accessible. Les enfants ne le savent pas.
Jeudi 4 janvier 1996
J’accroche l’affiche de l’exposition au tableau et je demande aux enfants d’observer.
Voici les commentaires qu’ils ont faits en regardant l’affiche, moi je me contente de noter ce qu’ils disent et de corriger les expressions incorrectes du point de vue de la langue.
« Le bleu, c’est comme une lune.
C’est un trou et la pierre cache le trou.
Il y a de l’orange sur la pierre.
Il y a des feuilles.
En bas de l’affiche, il y a des petits dessins.
Quand on ferme le trou avec la pierre, dedans c’est tout noir.
Le ciel est bleu comme une rivière.
C’est une grotte.
C’est un égout.
Ce qui est blanc, c’est ce qui est éclairé par le soleil.
La pierre est ronde, on ne le voit pas. Mais quand ce sera fermé, on la verra ronde.
Peut-être est-ce un piège, quand la porte est fermée, on ne peut plus sortir.
Moi je crois que la pierre est plus petite que le trou et quand on va fermer, elle va tomber.
Nous, nous sommes dedans, nous voyons le ciel par le trou. Mais nous sommes dans quoi ?
Dans un piège ? Un trou ? Une grotte ? »
Maintenant intrigués, les enfants sont attirés par les inscriptions.
Ils relèvent des dates, un numéro de téléphone et des mots qui leur sont connus : musée, allées, retour, sans, Oise, exposition...
J’arrête la séance là pour la reprendre le lendemain.
Vendredi 5 janvier 1996
Nous reprenons l’observation de l’affiche, mais cette fois, je guide les enfants en mettant le doigt sur les indices qui vont permettre de saisir parfaitement le sens du message. Voici quelques éléments de la discussion :
Il y a deux dates, une qui est passée et une qui n’est pas encore passée.
C’est pour parler de quelque chose qui a déjà commencé et qui n’est pas encore fini.
C’est une exposition dans un musée.
Et le numéro de téléphone est celui du musée.
Alors j’interviens pour leur annoncer la visite de l’exposition le jeudi suivant.
« Oui mais que verrons-nous ?
Nous irons dans le trou ?
Mais non, le trou n’est pas dans un musée, il est dans la forêt. »
Là, ce qui est intéressant, c’est que maintenant les enfants éprouvent le besoin de lire les mots pour finir de comprendre le message, ils ont envie de savoir ce qu’ils vont aller voir au musée.
Alors ils utilisent toutes les stratégies possibles de décryptage de l’écrit (repérage de morceaux de mots connus, analogies et pour certains même, combinatoire) et, collectivement, tout est lu et expliqué. Je donne quelques informations.
« Mais alors, le trou c’est un monument ?
- Oui et construit par les hommes du Néolithique. C’est une allée couverte.
Est-ce que nous irons la voir ? »
Je rédige une fiche de lecture qui sera collée dans le cahier de lecture des enfants, fiche que les enfants liront avec leurs parents le soir. Cette fiche contient tout ce que les enfants ont découvert en lisant l’affiche avec moi et tous les renseignements pratiques concernant la visite.
Fiche de lecture :
Jeudi 11 janvier, nous allons visiter l’exposition
« Allées sans retour »
au musée archéologique de Guiry-en-Vexin.
Cette exposition parle de la mort au Néolithique.
Les archéologues exposent les objets
trouvés dans les allées couvertes.
Nous allons observer les objets et nous allons apprendre
comment vivaient les hommes du Néolithique.
Nous partirons le matin
et nous rentrerons à l’école pour 16 h.
Le midi, nous pique-niquerons
à Guiry-en-Vexin dans l’ancienne école.
L’après-midi, nous ferons une promenade dans la forêt.
Monique Quertier, janvier 1996
En amont de la visite de l'expo « Allées sans retour » avec les enfants, Monique engage un travail de questionnement à partir de l’affiche, afin de susciter curiosité, soif et même désir que les enfants ne pourront satisfaire que par la mise en situation.
Sur place, ce qu'ils verront, vivront, découvriront, sera alors accueilli, intégré, enraciné au plus profond de leur mémoire à la fois mentale et corporelle. Quel gain formidable en effet, lorsque les connaissances s'acquièrent par la seule force du désir et de la joie de la découverte, celle qu'on a espérée, attendue avec une grande intensité.
Pour ce faire, Monique se contente de créer les conditions du désir, parlant peu, tout en suscitant la parole des enfants face à l'image, se gardant bien de répondre à leurs questions, ce qui aurait eu pour effet de tuer le désir qui naît non par un échange direct avec l'enseignant mais par un débat dans le groupe. Francine Tétu