Pratique du DML : quelques pistes de travail
La pratique du débat mathématique libre nécessite un savoir-faire qui se construira au fur et à mesure du temps. Ce savoir-faire est personnel, propre à chacun. C’est au fil des séances que le maître adaptera sa posture, développera ses compétences à intervenir, à gérer son groupe.
Le savoir-faire est personnel. Hors de moi l’idée de donner des principes rigides de fonctionnement, je parle de ce que j’ai mis en place et que j’ai vérifié par moi-même pendant mes vingt années de pratique du DML, mais aussi grâce au compagnonnage avec Paul Le Bohec.
Au cours de l’analyse de cette pratique et des expérimentations lors d’ateliers divers depuis que je suis retraitée, j’ai retenu quelques pistes, quelques conseils qui devraient éviter à tous ceux qui veulent se lancer dans le DML de perdre du temps ou de se décourager.
Mais évidemment, ces conseils ne servent à rien sans pratique personnelle : on s’essaye, on analyse, on piétine… alors recours aux conseils des pairs.
Pratique quotidienne
Ma rencontre avec Paul Le Bohec a été déterminante pour la rénovation de ma pédagogie des mathématiques. Sorte de révélation : « mais oui bien sûr c’est comme ça qu’il faut faire. » Il apporta l’étincelle, le détonateur qui me permit de me lancer à fond dans le débat mathématique libre.
J’étais persuadée de la justesse, de l’efficacité de la méthode, j’y croyais, et c’est ce qui a fait que j’organisais tous les jours des débats mathématiques à partir des créations des enfants. Ainsi j’ai pu mesurer les résultats très vite.
Et c’est le premier conseil que j’aimerais donner à tous ceux qui veulent expérimenter le DML : s’investir pleinement en organisant des séances tous les jours afin que le cheminement de la pensée ne soit pas interrompu, et de permettre au savoir de se construire dans la durée, par imprégnation.
Taille du groupe
Un groupe fonctionne bien sans contrainte institutionnelle entre 7 et 12. Nécessité donc de partager sa classe en 2 groupes.
Maintenant, si la classe comporte plus de 30 enfants, il faudra inventer…
Conditions matérielles
J’avais remarqué que quelques enfants du groupe en autonomie s’intéressaient à ce que nous faisions au tableau et travaillaient avec nous en spectateurs muets. Alors j’avais pris l’habitude d’exiger du groupe en autonomie le silence parfait : utilisation des places vides pour disperser les enfants afin qu’ils n’aient pas de voisin.
Pour les enfants en débat avec moi, j’avais adopté une disposition en arc de cercle devant le tableau. Ainsi tout le monde pouvait se voir, maître y compris et pouvait aller facilement au tableau.
Selon l’âge des enfants, chacun avait à sa disposition un support d’écriture (ardoise ou bloc de papier) placé sous le siège et qu’il pouvait attraper si besoin. Si l’échange autour d’une notion nécessitait du matériel (pour compter, mesurer, reproduire, découper…) j’avais réuni tout le matériel mathématique et de bureautique sous le tableau. Ainsi pas de temps perdu pour attraper les ciseaux et du papier par exemple.
Ma place dans le groupe
Avec le temps, j’avais appris à me taire, c’est à dire à ne pas donner la solution, à ne plus dire : tu te trompes ou tu as raison. Mais je ne me taisais pas vraiment, je demandais des justifications, je questionnais : « Tu dis ça, pourquoi ?… Comment le sais-tu ?… Viens nous montrer… », histoire de relancer le débat, forcer l’expression, faire avancer la pensée…
Je ne prenais pas de notes de façon à pouvoir bien observer mon groupe : un froncement de sourcils ou une grimace révélait souvent un questionnement de l’enfant, une hypothèse qu’il n’osait pas exprimer par des mots ; c’était l’occasion pour moi de lui donner la parole : « Qu’est-ce que tu en penses, toi ? »
S’interdire de penser à toute exploitation ultérieure
Les séances de DML n’ont pas pour objectif de fournir de la matière à alimenter des séquences d’apprentissage organisées par le maître, elles sont en elles-mêmes des séances d’apprentissage.
Je découvrais les créations avec les enfants, lorsque je les recopiais au tableau, et bien sûr, j’imaginais des pistes possibles. Mais je laissais les enfants suivre les leurs et je les y aidais principalement en leur faisant exprimer leur pensée.
Devoir de culture
Après chaque séance, je notais sur un cahier le bilan de la séance : d’un côté les créations des enfants et en face ce que nous en avions fait. À la suite, je listais toutes les notions mathématiques entrevues lors de la séance. C’était mon cahier de « postparations ». Exercice difficile au début de mon expérimentation, mais avec le temps, je rédigeais mon bilan de plus en plus vite.
Le compte-rendu était certes incomplet mais il reflétait ce qui nous avait le plus interpelé et c’était suffisant pour analyser les acquisitions des enfants… et les manques dans mes connaissances mathématiques. J’allais m’informer ensuite dans mes livres de classe
Traiter toutes les créations écrites au tableau
Le temps passé sur chaque création était variable mais je m’arrangeais toujours pour qu’on ait parlé de chaque création écrite au tableau : c’est frustrant pour un enfant de voir que l’on n’a pas observé sa création et tellement valorisant de constater que sa création fait l’objet de réflexions savantes.
La création mathématique de départ est un prétexte au débat. C’est au cours de l’échange entre enfants que naissent les concepts mathématiques. Après la séance, nous ne revenions jamais sur les créations traitées. Si un enfant voulait poursuivre une piste lancée, quand c’était son tour, il proposait une création sur le même thème et le débat commencé pouvait se poursuivre.
Monique Quertier, février 2018