Pour que vive la Méthode naturelle telle que Paul Le Bohec la mettait en œuvre
Pour que vive la Méthode naturelle telle que Paul Le Bohec la mettait en œuvre

La construction du savoir mathématique

Le respect de la démarche individuelle en Méthode naturelle de mathématique* ou comment l’enfant construit son savoir mathématique au sein du groupe

Rappel des objectifs de la pratique du Débat Mathématique Libre
Mettre l’enfant en situation de construction et de structuration des concepts mathématiques à partir de la confrontation à des situations complexes ainsi que leur analyse, ceci grâce :
- à l’expression libre, où se conjuguent prise de risque et réinvestissement,
- au tâtonnement expérimental qui donne une place positive à l’erreur,
- aux interactions entre l’individu et le groupe.

Organisation matérielle du Débat Mathématique Libre
- La classe est divisée en 4 groupes,
- chaque jour sont traitées les créations d’un groupe par une demi classe (le premier jour, les créations du groupe 1 par les enfants des groupes 1 et 3, le jour suivant, les créations du groupe 2 par les enfants des groupes 2 et 4, etc.),
- la demi classe qui ne travaille pas sur les créations est occupée à un travail autonome, la consigne étant le silence complet,
- chaque enfant présente au groupe, au mieux, une création mathématique par semaine,
- chaque enfant prépare sa création quand il le veut, sur un carnet ou un cahier destiné à cet usage,
- les créations du jour sont écrites au tableau pour être commentées par le groupe,
- après la séance, les enfants qui ont travaillé sur des créations racontent aux autres leurs découvertes,
- l’enseignant consigne sur son cahier le compte-rendu de la séance : d’un côté, les créations des enfants, de l’autre, ce qu’ils en ont fait et les découvertes.

La Méthode naturelle de mathématique (DML) est une méthode individuelle et collective à la fois, qui respecte parfaitement la démarche individuelle de chaque enfant.

Il y a une pratique personnelle : l’enfant s’investit dans sa création, dans la discussion, dans l’expérimentation.
Il y a expression libre : l’enfant s’exprime librement dans sa création et au sein du groupe. On lui laisse la possibilité de faire émerger ses représentations mentales initiales, ce qui est un préalable indispensable à tout processus d’apprentissage. La construction du savoir se fait sur un réel désir, sur des expériences reliées à des expériences antérieures, et non sur des expériences plaquées, sans lien avec son passé, sur ses préoccupations présentes. L’enfant peut rester le temps qu’il veut sur un problème, une difficulté à résoudre, un style de création : il choisit ce qu’il veut comprendre.
Il y a abondance de thèmes traités : la diversité des créations proposées et des situations étudiées permet à l’enfant de prendre ce qu’il veut ce dont il pense avoir besoin et à son rythme.
Il y a interactions entre l’individu et le groupe : le groupe discute, commente la création d’un enfant, il fait évoluer la situation, et l’auteur réinvestit ensuite. Grâce au concours du groupe, l’individualisation est parfaite : l’enfant agit, tâtonne, fabrique, crée, découvre, prend son temps, choisit, démontre, explique, contredit, réinvestit... L’enfant peut intervenir à tous les niveaux et selon ses possibilités. La barrière socioculturelle semble ne pas intervenir. Pas de blocage du langage : l’enfant prend la craie et il fait.
Il y a mise en place d’une véritable spirale de la connaissance :
- pratique personnelle,
- recours au groupe pour confrontations et références,
- expérimentations,
- réinvestissements, nouveaux tâtonnements individuels,
- de nouveau, retour au groupe...

Mais chaque nouveau tâtonnement, chaque nouveau retour au groupe, chaque nouveau réinvestissement se situe à un niveau supérieur, se trouve enrichi d’une expérience nouvelle, d’un nouveau savoir. L’enfant suit sa démarche, mais c’est le groupe qui le fait progresser.
Les créations mathématiques des enfants sont l’expression de leurs représentations mentales du moment.
Lors de la proposition au groupe, il y a discussion, émission d’hypothèses qui sont contredites, justifiées, vérifiées. On arrive souvent à une « trouvaille », loi du moment qui sera vraisemblablement remise en cause lors d’une prochaine séance. Chaque enfant repart avec une représentation modifiée. Il réinvestira dans une prochaine création, proposera de nouveau au groupe et ainsi de suite.

Quelques principes à respecter pour un bon fonctionnement
Un groupe de 12 enfants semble idéal, la parole circule aisément sans gestion institutionnelle.
Chaque enfant doit voir au moins une de ses créations traitée par semaine.
L’enseignant doit apprendre à se taire, il ne doit pas forcer, ne doit pas chercher à tout exploiter : il faut laisser s’accumuler toutes les observations, les remarques. Elles reviendront au fil des séances et, un jour, il y aura la découverte d’une loi. Il ne faut pas forcer la découverte : si l’enfant n’est pas prêt, il ne se l’appropriera pas.
Il faut laisser dire ou écrire des erreurs : c’est aussi à partir d’erreurs que l’on construit le savoir. L’erreur n’est jamais n’importe quoi. Le fait de pouvoir expliquer sa démarche aide l’enfant à se corriger.
Il faut laisser l’enfant aller montrer, expliquer. Quand on explique, on apprend.

Monique Quertier septembre 2001 et février 2022

*L’appellation de ces séances de mathématique a évolué : « Créations Mathématiques », puis « Création Mathématique Collective » et enfin « Débat Mathématique Libre » (DML) de façon à ne pas confondre les créations écrites des enfants avec les séances collectives.
Paul Le Bohec, l’inventeur de cette pratique l’appelait « Mathématique Créative ». (Note de Monique Quertier en février 2022)