Un regard sur l'évolution de ma pratique
Je suis sortie de l’École normale en 1968. Au cours de ma formation, j'ai eu la chance de faire un stage dans une classe de transition dont le maître était militant Freinet. C'est à ce moment là que j'ai acquis la certitude que je ne ferais jamais la classe comme j’avais pu le voir dans les autres classes d’enseignants formateurs.
Au bout de quelques années d'enseignement, dans l'école où j’œuvrais, j'ai été percutée par une information issue d’un groupe Freinet. Il fut alors évident pour moi qu’il fallait que je rencontre ce groupe. Ce n’est pas par hasard si cette information a retenu toute mon attention...
Lors des premières réunions auxquelles j’assistais, je restais dans mon coin, j’observais, j’écoutais. Personne ne me submergea de documents, d’explications sur le mouvement Freinet. Je regardais les copains exposer leurs réussites, leurs craintes, leurs échecs. Je les regardais vivre. Et c’est ainsi que peu à peu, je m’introduisis dans le groupe en osant poser des questions et parler de ma modeste expérience.
J’avais évidemment encore beaucoup à apprendre pour trouver la ligne maîtresse de ma pédagogie. Bien qu’introduisant petit à petit techniques et outils, je sentais bien que ce n’était pas suffisant, que les enfants, à qui pourtant je donnais beaucoup la parole dans tous les apprentissages, ne s’épanouissaient pas autant que je l’aurais voulu.
Et puis, un jour, je rencontrai Paul Le Bohec : ce fut le déclic. En quelques semaines seulement, ma classe fut bouleversée :
Avec la mise en place des débats mathématiques libres quotidiens, ma posture changea. Je parvenais peu à peu à former avec les enfants un vrai groupe positif. Tous les autres langages furent transformés par cette nouvelle approche. Petit à petit, les outils, techniques… installées dans la classe perdirent de leur importance, relégués à la périphérie de ce qui était désormais essentiel : la classe, devenue lieu de vie où expression-création et débats occupaient la grande partie du temps passé ensemble, c'est à dire la relation entre le maître et les enfants mais aussi les enfants entre eux dans l'écoute, l'accueil et le non-jugement.
Comment conclure un récit qui demanderait tant de prolongements, de développements ! Mon objectif est de dire que lorsqu'on démarre en pédagogie Freinet, il faut surtout être à l'écoute et faire confiance à ce que l'on ressent intérieurement, tout en regardant et en s’inspirant de ce que les autres font. En un mot comme en cent, lâcher l'approche intellectuelle de la pédagogie pour privilégier une approche plus sensible. La méthode naturelle est vraiment une méthode de vie.
Monique Quertier, avril 2020