Le coin bricolage, pourquoi, comment
Une jeune collègue du groupe me demande de parler du coin bricolage de ma classe, voulant elle-même en installer un. Je m’aperçois alors que je n’ai jamais rien écrit décrivant cette activité, hormis le fait que j’ai cité ce coin dans mon compte-rendu du projet « Comment ça marche un moulin ? ». Je me prends donc par la main et je me lance dans un récit descriptif de cette activité bricolage.
J’étais en poste dans une école ancienne, en cycle 2. Les classes étaient spacieuses et desservies par un très large couloir avec des lavabos. Il était donc très facile d’installer des ateliers dans le couloir. J’avais à ma disposition deux anciens bureaux de maître en bois à tiroirs et une grande table en bois également. Il a donc suffi de remplir les tiroirs avec du matériel de récupération (chutes de bois, bouchons, petites boîtes, trombones, tubes, pots en plastiques, papier, carton… enfin tout ce qui pouvait servir à fabriquer des objets) et de l’outillage (vis, clous, marteau, scie, tenailles, ciseaux, colle blanche à tout coller, ruban adhésif, serre-joints…), le tout bien rangé. Les outils étaient des vrais outils mais de petite taille. Bureaux et table étaient disposés en U.
Les enfants pouvaient fréquenter le coin pendant les moments de travail individualisé, quatre enfants, pas plus. Pas de passage obligé mais passage organisé à tour de rôle pour les volontaires. Les autres enfants étaient occupés selon leurs travaux en cours : écrire, finir une fiche, recopier des textes…, ou bien fréquentation d’un autre atelier. Pendant ces moments-là, j’étais à la disposition de ceux qui avaient besoin de mon aide. Je passais également régulièrement au coin bricolage, que je pouvais apercevoir de mon bureau, pour donner des conseils surtout dans la manipulation des outils. Je répondais aux demandes pratiques des enfants sans intervenir dans la créativité.
Chaque enfant avait un projet simple en allant au coin bricolage : fabriquer quelque chose, c’est tout. En fait, très souvent, le matériel présent au coin bricolage et l’adresse de l’enfant induisaient la réalisation. Ils créaient, inventaient, bricolaient, tâtonnaient, construisaient, détruisaient… Le bricolage était un outil d’expression.
Au début de mon expérimentation du coin bricolage, je demandais à chaque enfant de présenter au groupe sa réalisation en fin d’atelier : il la montrait en disant ce qu’il avait voulu faire et ce qui lui avait posé problème. La classe pouvait commenter en proposant des solutions pour améliorer la réalisation mais souvent ce n’était que des commentaires « jugement de valeur », les objets réalisés ne les concernant pas forcément. Et puis, j’ai vite réalisé qu’ils étaient bien trop chronophages, ces moments de présentation et qu’ils ne concernaient en fait que peu d’enfants. Alors je les ai vite abandonnés de façon à avoir encore plus de temps pour les débats collectifs que je menais avec le groupe classe.
J’ai dû trouver un autre système pour que les créations ne soient pas enterrées : j’ai installé une étagère sur laquelle pouvaient être entreposées les réalisations de l’atelier bricolage. Ainsi, à chaque entrée et sortie de classe, chacun pouvait voir les objets et s’en imprégner. Pouvaient naître aussi des discussions auxquelles je me joignais, si je le sentais opportun, ayant entrevu un enjeu, une piste à ouvrir et si cela semblait concerner beaucoup d’enfants. Cela suffisait pour que les expérimentations des uns profitent aux autres. Les créations individuelles s’enrichissaient au fil du temps.
Certains enfants ne fréquentaient pas volontiers le coin bricolage, tout comme certains n’étaient pas à l’aise pour dessiner ou pour parler. Mais le bricolage a permis à quelques-uns de trouver un langage, de se mettre en valeur et ainsi d’obtenir une reconnaissance du groupe.
Les autres coins ateliers dans la classe
Difficile d'en expliquer le fonctionnement tellement ils évoluaient avec le temps. Difficile aussi d’en faire la liste (bricolage, peinture, mesures, expériences…).
L'idée première : installer des coins avec des activités diversifiées afin que tous les enfants puissent trouver un lieu où ils puissent travailler selon leur désir, leur envie du moment, s'exprimer, créer... se trouver un langage. Et toujours avoir quelque chose de possible à faire.
Mais ces coins, je ne les gérais pas vraiment. Je voulais voir les enfants occupés et produire. Ils engrangeaient vraisemblablement des connaissances que je ne pouvais pas et voulais pas contrôler. Donc pas de présentations systématiques après les passages dans les différents ateliers.
Ce qui ne voulait pas dire que je ne m'intéressais pas à un événement qui aurait pu y arriver : une trouvaille, une réalisation qui épate... Là encore, pas de règle : saisir l'opportunité, sentir quand il faut valoriser un enfant. Je passais aussi dans les ateliers et ne me privais pas d’avoir un mot, un regard sur les productions des enfants.
Bref, faire des choix et forcément faire des erreurs. Et c'est ce que j'ai fini par accepter après avoir mis en place et expérimenté toutes les techniques de la classe coopérative : j'ai abandonné l'idée de vouloir savoir à tout prix ce que chaque enfant avait appris après chaque activité individuelle.
La priorité pour moi, c'étaient les débats que je menais, qui m'occupaient pleinement et ne me laissaient pas le temps de gérer les ateliers.
Je voulais profiter au maximum de tout de temps de classe pour les apprentissages en groupe. Je consacrais 3/4 de mon temps aux différents débats collectifs, le dernier quart, en début d'après-midi généralement, était réservé au travail individuel (fichiers, textes à recopier et à illustrer, coins ateliers...). Ce moment me permettait de souffler un peu et d'être au service de ceux qui demandaient de l'aide.
Mise en œuvre : au début de l'année, pendant les débats en demi-classe, les enfants en autonomie devaient rester à leur place dans un silence parfait. Puis évolution naturelle vers du plus souple avec la formation du groupe positif : les enfants se levaient pour aller dans les « coins », mais toujours en silence.
Monique Quertier, 3 mai 2019