Oublier l’orthographe...
Il ne s’agit pas de mal orthographier mais de faire en sorte que les enfants s’approprient une orthographe correcte le plus naturellement possible. J’avais adopté deux principes : pas de jugement sanction pour les « fautes » et je ne demandais pas aux enfants de corriger tout seul.
J’ai, dans mes premières classes, pratiqué l’autocorrection des textes avec un système de codage. Mais la mise en place du système était fastidieuse : je m’ennuyais toute seule le soir à annoter les textes des enfants selon le code choisi, et c’était long.
Même chose pour les enfants : les séances de correction ne les passionnaient pas du tout !
De plus je me suis aperçue que les textes d’enfants devenaient moins créatifs, plus « scolaires ». Alors j’ai essayé de comprendre :
Les enfants, en écrivant leurs textes, utilisaient des mots ou expressions qu’ils étaient sûrs de savoir bien orthographier. Leur préoccupation première était la forme parfaite, de façon à ne pas trop souffrir en séance de correction. Ils utilisaient ce qu’ils savaient pouvoir trouver dans les différents outils orthographiques de la classe ou dans les textes références. Ils étaient comme « empêchés de penser », ils faisaient passer la forme avant le fond. L’extrême souci de l’orthographe les encombrait au point qu’ils ne s’autorisaient plus à penser.
Pas d’hésitation : une pratique ne donne pas les résultats escomptés, il faut en changer. J’ai pris la décision, sentant qu’elle pourrait être meilleure, j’en avais l’intuition, de corriger les textes en présence de leurs auteurs et de ne plus me préoccuper de la matière « orthographe ». Il fallait que l’objectif premier soit l’expression profonde.
Je retrouvais dans ces moments de tête à tête avec un enfant la même relation de confiance qui s’était installée dans le groupe pendant les débats mathématiques, groupe qui était devenu positif et non jugeant. Et le fait que je corrige leurs textes sans jugement de valeur de ma part mais seulement en justifiant mes corrections les déculpabilisait, ils devenaient plus disponibles pour l’expression-création.
Organisation :
Pendant les séances d’écriture de textes (en général deux fois par semaine), je passais derrière chaque enfant (avec ma chaise à roulettes) pour les aider s’ils en avaient besoin.
Ils me lisaient leur texte et moi je corrigeais : je récrivais soit seulement des mots, soit des phrases entières mais toujours en justifiant mon écriture :
« Je mets nt, c’est la 3ème personne du pluriel… j’ajoute es à donné car on sait ce que tu lui as données, c’est dit avant, ce sont des images… je mets es au participe passé parce que le complément d’objet est placé avant…je mets une majuscule parce que c’est un nom propre…etc. »
Mes informations étaient adaptées à l’enfant, à ce que je croyais qu’il pouvait comprendre.
Les enfants recopiaient leur texte à la main, à l’ordinateur et recopiaient aussi plusieurs fois les expressions corrigées.
Les enfants pouvaient aussi profiter du moment travail en autonomie de la journée (une heure en début d’après-midi) pour venir vers moi afin que je corrige leur texte. Si le texte était trop long, je choisissais de n’en corriger qu’une phrase ou deux.
Ainsi au fil des jours, par imprégnation, la bonne orthographe s’imposait naturellement.
Orthographe, moins on parle de toi, plus tu t’améliores !
Monique Quertier, janvier 2017